Notes informelles, recherches sur le mouvement.
Untold
Nouvelle occurrence dans cette entreprise un peu folle permise par le Cndc, avec Untold, de Yaël Réunif et Jordan Beal qui forment la Cie Premier Mouvement. J'intègre un duo, pour la première fois, pour une résidence de deux semaines avant la première. L'ouverture et les capacités de communication exceptionnelles dont ils ont fait preuve ont rendu tout plus facile. J'ai beaucoup appris. Merci encore d'avoir pris ce risque, cette rencontre restera gravée.
D'autant que le projet en lui-même est déjà marquant. Avec Untold, Yaël et Jordan creusent la relation entre danse et musique, via l'utilisation de micros sur scène, l'exploitation des larsens, pour créer une pièce pleine d'aspérités et d'intensité. "Qu’est-ce qui relie un geste et un son ? Qu’est-ce qui se joue dans l’intervalle entre deux médiums ? Entre une onde et un geste, entre une pulsation et un élan ? Avec Untold, Yaël Réunif et Jordan Beal s’aventurent dans cet espace liminal où la danse devient vibration et la musique prend corps."
Des interrogations qui font écho à mes propres préoccupations concernant le geste dansée et le geste photographique.
Jordan est lui aussi photographe. Au delà de la pression que ça a pu me mettre au début, son travail est reconnu pour de très bonnes raisons, les échanges ont été très riches. La captation de leur travail était déjà un enjeu, c'était intéressant de pouvoir
(en cours d'écriture)
Gesualdo
Nouvelle résidence au Cndc, avec Amala Dianor pour Gesualdo Passione, un spectacle en partenariat avec Les Arts Florissants, qui s'intéresse au trépas de Jésus mis en musique par le ténébreux Carlo Gesualdo. Du chant a capella, de la danse, pour une première à la Philharmonie quelques jours après la fin de la résidence. Quel plaisir de pouvoir retrouver Amala, pour un projet pas évident, avec une équipe très inspirante. Merci pour la confiance.
Deux semaines de résidence, pour prendre des photos, c'est long. En général, même si certaines structures comme le Cndc aiment communiquer en montrant des phases de travail plutôt qu'une image du spectacle final, c'est généralement l'affaire de quelques minutes ou quelques heures ; on vient à la répétition générale et on envoie le résultat dans la foulée. Ici, j'ai beaucoup de temps, les costumes sont en cours de fabrication et la lumière n'est pas encore fixée. Quelques jours pour finir d'apporter de la matière en danse, chorégraphier la fin ; puis, intégrer les chanteur.se.s qui seront aussi sur scène ; et enfin, transmettre le tout aux doublures danse et voix. Un programme chargé ! mais en photo cela promet d'être redondant.
J'avais un peu peur de ce que j'allais produire à partir de cette expérience, au delà du plaisir évident de me retrouver avec des personnes de qualité dans un environnement que j'aime. Malgré le soucis, toujours, de vouloir rester photographe, d'écrire, j'ai encore amené mon insta360 pour fournir un guide par la suite, mon petit Coolpix pour des minis vidéos de 40 secondes maximum avec un minimum de qualité, et un enregistreur son Zoom H6 que je découvrais pour la première fois. L'idée était d'avoir de la matière, de pouvoir réentendre le choix des mots utilisés dans le travail et de potentiellement fournir une enveloppe sonore aux photographies. S'en tenir aux images fixes est souvent frustrant, c'est une vraie contrainte. C'est aussi tout l'intérêt. Au delà du plaisir de la découverte au début, où l'on prend un peu tout ce qui bouge, avec les techniques habituelles de changements de vitesses, de placements, etc, il a bien fallu que j'aille plus loin pour continuer à produire des images qui ne se répétaient pas au fur et à mesure. Comment montrer l'évolution d'un geste qui change subtilement à force d'être réactivé à chaque répétition ? L'interaction entre les différentes personnes présentes et leurs différences d'interprétation ? Ce qui relève de la matière apportée par chaque danseur.se et le raffinement opéré par Amala ? Dans un environnement sans trop de lumière, sans trop de déplacements pour ne pas perturber le travail déjà stressant des personnes impliquées.
Je n'avais pas choisi de direction spécifique avant cette résidence, même si quelques procédés, expérimentés lors du travail sur Coquilles, me faisaient de l'oeil. Le travail sur le flou par exemple, très poétique, qui me fait penser aux partitions Benesh pour noter les mouvements de danse. Aucun risque d'en révéler trop sur le spectacle, ce qui n'est pas négligeable. Juste une volonté d'essayer des choses, de retrouver une cohérence entre les images produites, ne pas les choisir pour leur impact mais pour ce qu'elles transmettent du geste en regard d'elles-mêmes. Le soucis aussi d'être attentif aux tiraillements qui ne manqueraient pas de poindre entre l'envie de faire émerger mon geste et la nécessité de rendre compte du geste singulier en train de se faire. Il y a un immense respect, une grande admiration pour la matière qui émerge et prend forme au sein de ces moments singuliers. Pourtant l'émotion ressentie et l'élan de création auquel j'assiste font écho à mon propre désir de faire émerger quelque chose d'unique. Parfois cela permet de produire des images merveilleuses, aussi originales qu'adéquates ! Parfois ces deux aspects se court-circuitent, fournissant des images intéressantes mais impropres à communiquer l'essence de la pièce en train de se faire. Quand c'est une commande, la question ne se pose pas, la créativité se met au service du client, mais là ... c'est un espace de recherche.
J'écris alors que la postproduction est à peine démarrée. J'aurais aimé pouvoir fournir des photographies avant la première, mais ça serait bâcler le travail. Pour l'instant je suis content, et même fier de ce qui ressort. Malgré la redondance, je crois avoir réussi à diversifier les techniques employées pour passer outre ; la question de faire chaque jour des propositions originales se posait ; le défi me semble relevé. Diversité des vitesses utilisées, des angles, des lumières ; poses longues, superpositions stratégiques, jeux avec le flou. Les mots répétés par Amala m'ont guidé. Le rapport au sacré, à la transcendance, au respect de l'oeuvre. La volonté de montrer différents types de danse dans une même pièce, quelque chose qui lui tient à coeur. L'importance de la musicalité. Plus haut ! Écoute ! Danse ! J'ai essayé d'en imprégner chacune de mes photographies, de ne pas me contenter de montrer mais aussi d'évoquer.
-
Cette expérience me conforte dans les choix opérés jusqu'à présent. Le collectif me fait du bien, me met en mouvement. Surtout quand on est aussi bien accueilli. Mon approche ne permet peut-être pas de suivre un projet de bout en bout, mais j'aimerais trouver des manières de continuer à le faire. Sortir de soi / Aller vers / Aller avec.
Une solution, ça serait peut-être de réinterpréter moi aussi des oeuvres majeures comme celle-ci. Profiter d'une commande qui serait faite à un artiste pour en produire une interprétation photographique personnelle en plus de l'accompagnement en résidence comme aujourd'hui. Une manière d'aller plus loin.
Peut-être Le Sacre du Printemps par exemple. Comment on s'empare de ça en photographie ?
Volmir
Hier, j'ai pu rencontrer Volmir Cordeiro et son équipe, en résidence au CNDC. J'ai aimé le contact par mail, très bienveillant. Soucieux de l'espace de la résidence, fragile, presque sacré. Le temps est précieux, il est facile de se laisser déconcentrer. J'étais heureux et honoré qu'il ait finalement accepté de me laisser entrer.
Il est très grand ! Son équipe très impressionnante, de fortes individualités avec beaucoup d'expressivité.
J'ai découvert son projet, Parterre, l'espace d'un après-midi, pendant lequel était prévu un filage, l'occasion de voir la pièce entière. Un temps trop court pour explorer mais assez long pour voir quelque chose en train de se faire. L'objectif était donc moins d'essayer différentes techniques que de se laisser imprégner par son geste singulier, en cours de création. La pièce donne l'opportunité aux danseur.se.s d'exprimer leurs individualités dans des solos dédiés mais aussi des fulgurances au sein des phases de groupes ; dans ces dernières le parcours est très géométrique, dans une tradition de la danse contemporaine assez traditionnelle, avec des lignes au sol comme repères ; pourtant, rien ne semble pouvoir contenir l'énergie solaire, débordante et sauvage des interprètes ! Bien qu'ils excellent dans un premier temps à suivre les lignes, les codes proposés, on sent que cela ne suffit pas. A ce stade, sans que la scénographie soit complète au sein de cette résidence, sans les costumes, les couleurs, cette tension m'a semblé être le coeur du projet. La mise en scène d'un débordement qui nécessite de montrer un cadre, un langage dansé commun, pour mieux s'en détacher et laisser exploser ces singularités enthousiastes.
Volmir me fait penser à Caracole, ce personnage de la Horde du Contrevent, pur mouvement, façonné, incarné par les mots qu'il prononce.
Au niveau photo, je me suis laissé porté par ce que je voyais ; avec l'idée de montrer une étape de travail, les moments de réflexions, de discussions, qui, bien que redondants, constituent généralement la majorité du temps d'une résidence ; montrer la géométrie du dispositif ; mais aussi les aspérités et l'expressivité des interprètes. J'ai cherché à me mettre dans l'axe du milieu de la scène pour un maximum de symétrie, à prendre large pour montrer le dispositif mais aussi des moments plus serrés pour mettre en avant les expressions, et alterner des vitesses propres à figer le mouvement d'une part et montrer l'énergie cinétique engagée d'autre part. Classique.
Une expérience intense et riche ; malgré le peu de temps objectif passé en leur compagnie, ce moment restera gravé pour moi.
Début
Récemment, je dis beaucoup que j'étudie le geste photographique, en regard des arts vivants. Cela me questionne, les "arts vivants".
Parce-qu'il est évident que l’acte de photographier est un geste créatif qui procède souvent d’un mouvement intérieur intense et de choix techniques parfois clivants. Néanmoins l’objet produit, présenté de manière traditionnelle, peine à témoigner de cet élan. Les photographies témoignent souvent du geste d’un.e autre, pour présenter le geste à venir dans les dossiers de production ou invoquer le geste passé tirés des archives de telle ou telle compagnie. Le temps est figé, la photographie garante de l’éternité, le papier photo choisi pour sa longévité. Quid du désespoir ? De la nécessité ? De l’élan vital ? Il y a un public qui s’investit de bonne foi dans la réactivation du mouvement d’un artiste, il délaisse les vignettes instagram pour venir à une exposition et regarder des photographies accrochées au mur. Cependant, de mon point de vue, les scénographies proposées et l’impact provoqué sont rarement comparables à la puissance d’un événement musical ou un spectacle de danse. Quand bien même le geste procède de la même hargne existentielle.
C'est frustrant. Même s'il y a de nombreuses exceptions que j'essaie d'appréhender, pour combler le manque de maturité qui est probablement à l'origine de ces questions.
-
J'aimerais bien parler de La Geste. Ce récit d'exploits, gesta, les choses qui ont été faites. J'aime que ça soit un nom féminin. Que cela se chante.
-
J'ai très envie de voir Je suis la nuit en plein midi de Gaspard Hirschi.
Temps
mes poèmes parlent du temps
et, de fait, lire nécessite un lien au temps, au rythme
cela étant, mes poèmes tendent vers le caillou
un corps persistemps, qui résiste à l'usure des nuits et de la perte d'identité
en parallèle d'une conscience aiguë du fait que ça ne suffira pas
qu'il faut continuer à écrire et qu'aucune forme définitive ne saurait suffire
une nécessité de produire continuellement une base sur laquelle se tenir sûrement pour avancer
qui brave le temps et ne saurait être superficielle
on part donc plutôt d'un etat relatif, identitaire, mouvementé, qui essaie de se structurer continuellement dans le temps
-
mon personnage photographique est plutôt, à l'inverse, dans une situation de blocage temporel
une éternité qui prend fin avec l'apparition de la lumière, du flash, de l'altérité : du mouvement
Orée tombe dans le temps, dans le mouvement, elle passe d'un état figé, cyclique, à un état narratif, un voyage, un vers
elle tombe dans la danse
elle tombe dans le temps
dès lors elle ne peut plus revenir en arrière malgré la peur croissante de l'extérieur
nostalgie de la sérénité des profondeurs où le temps s'écoule plus lentement
une formule finalement : plus il y a de lumière, plus le temps est présent
son flux s'accélère, le mouvement s'emballe
plus il y a lumière plus il y a danse
mes photographies parlent donc de la naissance du temps, associée à la création d'un corps, d'une identité
qui passe a priori par l'altérité
-
méta : le déclencheur de l'appareil est un déclencheur narratif
le geste photographique produit du temps, du mouvement, de la lumière
comme en physique quantique, où la mesure influe sur le résultat de l'expérience,
le geste photographique a irrémédiablement bousculé le monde d' Orée
Il l'a temporalisé
Notes - Lettres - Gestes
Gesualdo
Nouvelle résidence au Cndc, avec Amala Dianor pour Gesualdo Passione, un spectacle en partenariat avec Les Arts Florissants, qui s'intéresse au trépas de Jésus mis en musique par le ténébreux Carlo Gesualdo. Du chant a capella, de la danse, pour une première à la Philharmonie quelques jours après la fin de la résidence. Quel plaisir de pouvoir retrouver Amala, pour un projet pas évident, avec une équipe très inspirante. Merci pour la confiance.
La première a lieu ce soir, je regrette de ne pas partager ce moment avec l'équipe, apprécier la lumière, les costumes en mouvement. Je me débrouillerai pour venir les voir plus tard !
Deux semaines de résidence, pour prendre des photos, c'est long. En général, même si certaines structures comme le Cndc aiment communiquer en montrant des phases de travail plutôt qu'une image du spectacle final, c'est généralement l'affaire de quelques minutes ou quelques heures ; on vient à la répétition générale et on envoie le résultat dans la foulée. Ici, j'ai beaucoup de temps, les costumes sont en cours de fabrication et la lumière n'est pas encore fixée. Quelques jours pour finir d'apporter de la matière en danse, chorégraphier la fin ; puis, intégrer les chanteur.se.s qui seront aussi sur scène ; et enfin, transmettre le tout aux doublures danse et voix. Un programme chargé ! mais en photo cela promet d'être redondant.
J'avais un peu peur de ce que j'allais produire à partir de cette expérience, au delà du plaisir évident de me retrouver avec des personnes de qualité dans un environnement que j'aime. Malgré le soucis, toujours, de vouloir rester photographe, d'écrire, j'ai encore amené mon insta360 pour fournir un guide par la suite, mon petit Coolpix pour des minis vidéos de 40 secondes maximum avec un minimum de qualité, et un enregistreur son Zoom H6 que je découvrais pour la première fois. L'idée était d'avoir de la matière, de pouvoir réentendre le choix des mots utilisés dans le travail et de potentiellement fournir une enveloppe sonore aux photographies. S'en tenir aux images fixes est souvent frustrant, c'est une vraie contrainte. C'est aussi tout l'intérêt. Au delà du plaisir de la découverte au début, où l'on prend un peu tout ce qui bouge, avec les techniques habituelles de changements de vitesses, de placements, etc, il a bien fallu que j'aille plus loin pour continuer à produire des images qui ne se répétaient pas au fur et à mesure. Comment montrer l'évolution d'un geste qui change subtilement à force d'être réactivé à chaque répétition ? L'interaction entre les différentes personnes présentes et leurs différences d'interprétation ? Ce qui relève de la matière apportée par chaque danseur.se et le raffinement opéré par Amala ? Dans un environnement sans trop de lumière, sans trop de déplacements pour ne pas perturber le travail déjà stressant des personnes impliquées.
Je n'avais pas choisi de direction spécifique avant cette résidence, même si quelques procédés, expérimentés lors du travail sur Coquilles, me faisaient de l'oeil. Le travail sur le flou par exemple, très poétique, qui me fait penser aux partitions Benesh pour noter les mouvements de danse. Aucun risque d'en révéler trop sur le spectacle, ce qui n'est pas négligeable. Juste une volonté d'essayer des choses, de retrouver une cohérence entre les images produites, ne pas les choisir pour leur impact mais pour ce qu'elles transmettent du geste en regard d'elles-mêmes. Le soucis aussi d'être attentif aux tiraillements qui ne manqueraient pas de poindre entre l'envie de faire émerger mon geste et la nécessité de rendre compte du geste singulier en train de se faire. Il y a un immense respect, une grande admiration pour la matière qui émerge et prend forme au sein de ces moments uniques, que j'ai profondément envie d'appréhender et mettre en valeur à travers ma production. Pourtant, et ça fait peut-être de moi un mauvais photographe de spectacle, l'émotion ressentie et l'élan de création auquel j'assiste font écho à mon propre désir de faire émerger quelque chose d'unique. Parfois cela permet de produire des images merveilleuses, aussi originales qu'adéquates ! Parfois ces deux aspects se court-circuitent, fournissant des images intéressantes mais impropres à communiquer l'essence de la pièce en train de se faire. Quand c'est une commande, la question ne se pose pas, la créativité se met au service du client, mais là ... c'est un espace de recherche.
J'écris alors la postproduction est à peine démarrée. J'aurais aimé pouvoir fournir des photographies avant la première, mais ça serait bâcler le travail. Pour l'instant je suis content, et même fier de ce qui ressort. Malgré la redondance, je crois avoir réussi à diversifier les techniques employées pour passer outre ; la question de faire chaque jour des propositions originales se posait ; le défi me semble relevé. Diversité des vitesses utilisées, des angles, des lumières ; poses longues, superpositions stratégiques, jeux avec le flou. Les mots répétés par Amala m'ont guidé. Le rapport au sacré, à la transcendance, au respect de l'oeuvre. La volonté de montrer différents types de danse dans une même pièce, quelque chose qui lui tient à coeur. L'importance de la musicalité. Plus haut ! Écoute ! Danse ! J'ai essayé d'en imprégner chacune de mes photographies, de ne pas me contenter de montrer mais aussi d'évoquer.
-
Cette expérience me conforte dans les choix opérés jusqu'à présent. Le collectif me fait du bien, me met en mouvement. Surtout quand on est aussi bien accueilli. Mon approche ne permet peut-être pas de suivre un projet de bout en bout, mais j'aimerais trouver des manières de continuer à le faire. Sortir de soi / Aller vers / Aller avec.
Une solution, ça serait peut-être de réinterpréter moi aussi des oeuvres majeures comme celle-ci. Profiter d'une commande qui serait faite à un artiste pour en produire une interprétation photographique personnelle en plus de l'accompagnement en résidence comme aujourd'hui. Une manière d'aller plus loin.
Peut-être Le Sacre du Printemps par exemple. Comment on s'empare de ça en photographie ?
Volmir
Hier, j'ai pu rencontrer Volmir Cordeiro et son équipe, en résidence au CNDC. J'ai aimé le contact par mail, très bienveillant. Soucieux de l'espace de la résidence, fragile, presque sacré. Le temps est précieux, il est facile de se laisser déconcentrer. J'étais heureux et honoré qu'il ait finalement accepté de me laisser entrer.
Il est très grand ! Son équipe très impressionnante, de fortes individualités avec beaucoup d'expressivité.
J'ai découvert son projet, Parterre, l'espace d'un après-midi, pendant lequel était prévu un filage, l'occasion de voir la pièce entière. Un temps trop court pour explorer mais assez long pour voir quelque chose en train de se faire. L'objectif était donc moins d'essayer différentes techniques que de se laisser imprégner par son geste singulier, en cours de création. La pièce donne l'opportunité aux danseur.se.s d'exprimer leurs individualités dans des solos dédiés mais aussi des fulgurances au sein des phases de groupes ; dans ces dernières le parcours est très géométrique, dans une tradition de la danse contemporaine assez traditionnelle, avec des lignes au sol comme repères ; pourtant, rien ne semble pouvoir contenir l'énergie solaire, débordante et sauvage des interprètes ! Bien qu'ils excellent dans un premier temps à suivre les lignes, les codes proposés, on sent que cela ne suffit pas. A ce stade, sans que la scénographie soit complète au sein de cette résidence, sans les costumes, les couleurs, cette tension m'a semblé être le coeur du projet. La mise en scène d'un débordement qui nécessite de montrer un cadre, un langage dansé commun, pour mieux s'en détacher et laisser exploser ces singularités enthousiastes.
Volmir me fait penser à Caracole, ce personnage de la Horde du Contrevent, pur mouvement, façonné, incarné par les mots qu'il prononce.
Au niveau photo, je me suis laissé porté par ce que je voyais ; avec l'idée de montrer une étape de travail, les moments de réflexions, de discussions, qui, bien que redondants, constituent généralement la majorité du temps d'une résidence ; montrer la géométrie du dispositif ; mais aussi les aspérités et l'expressivité des interprètes. J'ai cherché à me mettre dans l'axe du milieu de la scène pour un maximum de symétrie, à prendre large pour montrer le dispositif mais aussi des moments plus serrés pour mettre en avant les expressions, et alterner des vitesses propres à figer le mouvement d'une part et montrer l'énergie cinétique engagée d'autre part. Classique.
Une expérience intense et riche ; malgré le peu de temps objectif passé en leur compagnie, ce moment restera gravé pour moi.
Début
Récemment, je dis beaucoup que j'étudie le geste photographique, en regard des arts vivants. Cela me questionne, les "arts vivants".
Parce-qu'il est évident que l’acte de photographier est un geste créatif qui procède souvent d’un mouvement intérieur intense et de choix techniques parfois clivants. Néanmoins l’objet produit, présenté de manière traditionnelle, peine à témoigner de cet élan. Les photographies témoignent souvent du geste d’un.e autre, pour présenter le geste à venir dans les dossiers de production ou invoquer le geste passé tirés des archives de telle ou telle compagnie. Le temps est figé, la photographie garante de l’éternité, le papier photo choisi pour sa longévité. Quid du désespoir ? De la nécessité ? De l’élan vital ? Il y a un public qui s’investit de bonne foi dans la réactivation du mouvement d’un artiste, il délaisse les vignettes instagram pour venir à une exposition et regarder des photographies accrochées au mur. Cependant, de mon point de vue, les scénographies proposées et l’impact provoqué sont rarement comparables à la puissance d’un événement musical ou un spectacle de danse. Quand bien même le geste procède de la même hargne existentielle.
C'est frustrant. Même s'il y a de nombreuses exceptions que j'essaie d'appréhender, pour combler le manque de maturité qui est probablement à l'origine de ces questions.
-
J'aimerais bien parler de La Geste. Ce récit d'exploits, gesta, les choses qui ont été faites. J'aime que ça soit un nom féminin. Que cela se chante.
-
J'ai très envie de voir Je suis la nuit en plein midi de Gaspard Hirschi.
Temps
mes poèmes parlent du temps
et, de fait, lire nécessite un lien au temps, au rythme
cela étant, mes poèmes tendent vers le caillou
un corps persistemps, qui résiste à l'usure des nuits et de la perte d'identité
en parallèle d'une conscience aiguë du fait que ça ne suffira pas
qu'il faut continuer à écrire et qu'aucune forme définitive ne saurait suffire
une nécessité de produire continuellement une base sur laquelle se tenir sûrement pour avancer
qui brave le temps et ne saurait être superficielle
on part donc plutôt d'un etat relatif, identitaire, mouvementé, qui essaie de se structurer continuellement dans le temps
-
mon personnage photographique est plutôt, à l'inverse, dans une situation de blocage temporel
une éternité qui prend fin avec l'apparition de la lumière, du flash, de l'altérité : du mouvement
Orée tombe dans le temps, dans le mouvement, elle passe d'un état figé, cyclique, à un état narratif, un voyage, un vers
elle tombe dans la danse
elle tombe dans le temps
dès lors elle ne peut plus revenir en arrière malgré la peur croissante de l'extérieur
nostalgie de la sérénité des profondeurs où le temps s'écoule plus lentement
une formule finalement : plus il y a de lumière, plus le temps est présent
son flux s'accélère, le mouvement s'emballe
plus il y a lumière plus il y a danse
mes photographies parlent donc de la naissance du temps, associée à la création d'un corps, d'une identité
qui passe a priori par l'altérité
-
méta : le déclencheur de l'appareil est un déclencheur narratif
le geste photographique produit du temps, du mouvement, de la lumière
comme en physique quantique, où la mesure influe sur le résultat de l'expérience,
le geste photographique a irrémédiablement bousculé le monde d' Orée
Il l'a temporalisé